Violences obstétricales : Quand une césarienne vire au pire cauchemar
Cette maman a décidé de se confier à moi, à vous, après avoir lu mon propre témoignage de naissance : entre traumatisme et violences obstétricales. Je suis heureuse de savoir qu'il donne envie à d'autres mamans de venir briser le silence des violences obstétricales et poser des mots sur les maux qui les habitent. Ceci est un premier pas vers la reconstruction.
Ma fille va sur ses huit mois et c'est toujours compliqué pour moi.. C'est mon premier enfant, j'ai l'impression de l'avoir attendu toute ma vie, cette petite blonde qui a hérité de mes grands yeux bleus. Je l'ai en tout cas espérée pendant deux ans et demi puisque c'est la période qu'il nous a fallu pour réussir à la concevoir. Ma grossesse a été merveilleuse, dans la sérénité et le bonheur. Puis approchant de la date de terme mon gynéco s'est montré de plus en plus "alarmiste" dans le sens où elle n'était pas descendue, mon col était toujours solidement fermé et en plus son rythme cardiaque commençait à être trop calme au fil des visites.
Ayant dépassé le terme de 8 jours et avec aucun signe d'évolution il a fallu se résoudre à déclencher mais il m'avait prévenue que ça allait être douloureux et compliqué. Le stress a commencé à m'envahir, j'avais surtout peur pour elle . Je ne comprenais pas pourquoi les choses ne s'enclenchaient pas. On m'a mis des comprimés pendant la nuit, mais ça n'a eu aucun effet à part celui de me faire hurler de douleur. Les sages-femmes ne comprenaient pas, pour elle on ne pouvait pas avoir si mal. "Respirez madame, détendez-vous c'est parce que vous êtes trop tendue"... début de la culpabilisation sans parler de l'incompréhension qui grandissait en moi. Finalement au matin on m'a posé la perfusion et ça a été immédiat, les douleurs fulgurantes, les contractions rapprochées et puissantes. Moi j'ai eu la chance d'avoir deux sages-femmes extraordinaires qui m'ont accompagné toute la journée, je ne peux pas penser à elles sans pleurer, elles me rassuraient et m’encourageaient sans cesse.
Devant mes douleurs et le peu d'avancement (tout ça pour un seul centimètre) mon gynéco m'a dit qu'il fallait passer à la péridurale. Il était bienveillant pour lui ce n'était pas moi le problème mais le déclenchement. Il m'avait prévenue, sur un col fermé et un bébé haut ce n'est pas supportable et les heures allaient encore être longues. Une fois posée j'ai perdu les eaux et cru naïvement qu'enfin mon corps faisait le travail. Après deux heures de repos et seulement deux centimètres, et avec les battements de ma petite Louise qui continuaient de faiblir ils ont voulu essayer de redéclencher les contractions : augmentation de la perf et diminution de la péri. J'ai vécu là les deux pires heures de toute ma vie, à hurler et pleurer de douleur, coincée entre le tuyau de la péri et celui de ma perf sans rien pouvoir gérer du tout. Quatre petits centimètres... Mon gynéco doute, je le vois, il n'a pas envie d'aller en césarienne mais n'y croit pas vraiment. La décision est prise en concertation avec moi d'y aller car il ne pouvait pas me garantir que Louise allait tout à fait bien.
C'est là que l'enfer a commencé pour moi. J'ai dû laissé derrière moi mon mari, les deux sages-femmes et mon gynéco qui partaient se préparer, je suis passée du cocon de la salle de travail à la froideur du bloc et de la bienveillance de ces derniers à l'indifférence du personnel médical. Et puis il y a eu ma rencontre avec lui, l’anesthésiste. Je sentais que mes jambes se réveillaient, j'étais seule derrière ce grand drap vert avec lui et je lui ai demandé quand est-ce qu'il allait me ré-endormir... il ne l'a jamais fait.
Pour moi le temps écoulé m'a semblé des heures, je pense qu'en tout on a attendu mon gynéco pendant 15 ou 20 minutes maximum. Tout ce temps je lui ai expliqué que je me réveillais, que j'avais peur, peur de la douleur mais surtout peur pour mon bébé. Il m'a dit de lui faire confiance, qu'il savait ce qu'il faisait. Puis j'ai senti... une griffe, puis deux. J'ai pensé qu'il s'agissait d'un test alors je lui ai dit, j'avais raison je ne suis plus endormie. Il ne m'a toujours pas cru. Il a nié ma douleur et m'a demandé d'être un peu courageuse, de penser à Louise... penser à Louise... Puis j'ai eu très mal, je lui ai dit, j'ai paniqué et c'est là qu'il m'a dit "vous savez madame quand on a vraiment envie d'avoir mal on peut s'inventer une douleur". J'ai cru que j'étais trop douillette, que je manquais de courage, que j'étais ridicule. Puis tout s'est emballé, mes jambes se sont soulevées sous la douleur, mon gynéco de l'autre côté du drap a compris, a demandé à ce qu'il fasse quelque chose mais c'était trop tard. Il m'a dit je suis désolé mais je n'ai plus le choix vous êtes ouverte on va devoir vous endormir totalement. Mon mari était toujours derrière la porte, on n'a pas voulu le laisser rentrer, j'étais seule, j'ai commencé à pleurer à demander qui allait être là pour Louise et rien que de me remémorer cet instant mes larmes coulent encore.
Heureusement la gentille sage-femme a surgi de nulle part et m'a dit je vais m'occuper de Louise je vais la prendre et la donner à son papa. On a posé le masque et j'étais partie. Je n'étais pas là... Voilà ce que je répète depuis presque huit mois. Je n'ai aucun souvenir de ma fille le jour de sa naissance et je n'étais pas là.
Depuis plus rien n'est comme avant, et lorsque l'on me parle d'un deuxième bébé personne ne comprend ce que je ressens..