La technique des mères kangourous nous arrive de Colombie. Elle permet aux prématurés d'avoir en permanence un contact physique avec leur mère. Découvrons pourquoi c'est si important et comment elle est pratiquée en France.
La technique des mères kangourous : d’où ça vient ?
C'est en 1978 que le professeur E. Rey Sanabria invente la technique des mères kangourous (TMK). Alors qu'il doit faire face à environ 30 000 accouchements par an, il manque cruellement d'incubateurs (ou couveuses) pour les nouveau-nés prématurés ou avec un petit poids de naissance.
Résultat, il se trouve confronté à des problèmes d'infections ou d'abandons. Il faut pourtant sauver ces bébés qui ne régulent pas encore leur température en raison de leur grande immaturité.
Qu'à cela ne tienne. Faute de couveuses permettant aux nouveau-nés d'avoir une température constante à 37 °c, il y a les mamans ! Ce sont elles qui vont réchauffer leur bébé. Elles le portent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en position verticale, collé sur leur sein, peau contre peau et le stimulent par leurs mouvements respiratoires et les battements de leur cœur.
L'allaitement se fait à intervalles réguliers. Le bébé ne quitte sa mère que pour être changé plusieurs fois par jour. La nuit, il dort contre son sein. Elle est couchée en position semi-assise. Pas question, en effet, de dormir allongée : le nourrisson ne doit jamais se trouver à l'horizontal en raison du risque de fausse route.
Méthode kangourou : pour quels bébés ?
En Colombie, mais aussi au Mexique, au Brésil, en Ethiopie, au Mozambique, au Vietnam et en Indonésie... cette technique s'adresse aux nouveau-nés prématurés (moins de 37 semaines) qui n'ont plus besoin d'oxygène pour respirer et qui sont capables de téter et de déglutir de manière coordonnée. Elle peut également être utilisée pour des bébés nés à terme mais de tout petit poids de naissance (moins de 2 kg).
La technique des mères kangourous permet aux mamans de rentrer chez elles avec leur tout-petit beaucoup plus rapidement. Une surveillance ambulatoire quotidienne, au départ, puis ensuite plusieurs fois par semaine est instaurée.
Grâce à cette méthode, au fil des jours, le petit prématuré régule de mieux en mieux sa température, il grossit (environ 15 g par kg et par jour) et prend des forces.
Après quelques semaines, arrive un jour où il pleure à chaque fois que sa maman le remet tout contre elle après l'avoir changé. Il peut aussi griffer légèrement et bouger ses bras et ses jambes. Son comportement signifie qu'il n'a plus besoin, pour vivre, d'être collé au sein de sa mère. Il veut sortir !
Statistiquement, il est intéressant de voir que ces diverses manifestations du nourrisson surviennent, environ, lorsqu'il atteint l'âge de trente-sept semaines (soit la limite inférieure d'une grossesse menée à terme) et le poids de 2 kg. La nature fait bien les choses...
En France, comment ça se passe ?
On est, malheureusement, bien loin du "peau à peau" de Bogota. La technique des mères kangourous regroupe des pratiques très variables selon les centres hospitaliers.
Certains hôpitaux proposent le portage "peau à peau", pratiqué jusqu'à seize heures par jour. D'autres appellent "unité kangourou" des services où les mères ont la possibilité d'avoir une couveuse dans leur chambre durant leur temps d'hospitalisation ou, ultérieurement, d'allaiter leur bébé à chaque visite.
Quelle que soit l'étendue de la méthode, ses avantages sont indéniables. Elle évite la séparation mère-enfant et établit ainsi des liens précoces. Elle permet à la mère de "finir" psychologiquement sa grossesse et la déculpabilise, cette dernière se sentant fautive de n'avoir pu la mener à terme. La méthode des mères kangourous les conforte dans leur capacité de mère. Les bébés en bénéficiant sont moins stressés et pleurent moins.
En France, on a élargi la technique des mères kangourous à d'autres bébés : elle s'adresse non seulement aux nouveau-nés prématurés et aux bébés avec un petit poids de naissance, mais aussi à ceux nécessitant une surveillance spéciale : bébés nés de mères diabétiques ou atteints d'un syndrome de sevrage après toxicomanie.
Alors que cette méthode est obligatoirement pratiquée dans les hôpitaux et maternités de Colombie, elle reste, en France, très marginale (centre hospitalier intercommunal de Créteil, hôpital Antoine Béclère, institut mutualiste Montsouris...). Les résultats sont pourtant probants : après un an de suivi, on constate que les bébés ayant bénéficié du portage kangourou sont plus grands, moins malades, leur papa est plus présent et, à la maison, il y a plus de jouets en relation avec le développement de l'enfant. Alors, reste peut-être à convaincre les médecins de déléguer un peu de leur pouvoir aux mères désireuses de prendre en charge leur bébé...
À lire aussi :