« Choisir librement son approche éducative, pas si simple ».
C'est le titre de la conférence d'Isabelle Filliozat donnée le 7 Mars à Grenoble, le titre me parlait.
Effectivement, il n'est pas toujours aisé de choisir et de l'assumer face au regard des autres .
Isabelle nous rappelle qu'au moment où nous devenons parents nous subissons une pression, des jugements de la part d'autrui, on ne s'attendait pas à ceci en le devenant, combien de questions nous sont posées sous fond de jugement : « Elle est sage ? Il fait ses nuits ? Tu te laisses faire ? Faut lui montrer qui commande !! ». Beaucoup ont une approche de l'éducation basée sur un jeu de pouvoir entre l'enfant et son parent .
Mettre des limites est pour beaucoup la seule solution éducative, parfois nous nous posons également la question face à nos enfants en crise, frustration. Mais quand le lait déborde il ne sert à rien de mettre le couvercle, il faut éteindre le gaz. Il faut sortir du modèle d'éducation que nous avons reçu. Se faire confiance et choisir son éducation librement, mais pour choisir il faut connaître les options. La fessée, les violences éducatives ne sont pas un choix : c'est simplement une soumission à des automatismes. On sait aujourd'hui que les violences abiment le cerveau. Nous remarquons souvent que, quand on fait part de ceci aux autres, les premières remarques qui fusent sont : « Alors on laisse faire ? » . Les personnes ne voient que deux options : violences éducatives ou laxisme. Or il y a d'autres solutions. Avant d'avoir des enfants nous sommes tranquilles mais une fois parent nous avons ce besoin d'affirmer nos choix face aux autres, aux jugements .
Isabelle nous invite ensuite par groupe à écrire des questions, auxquelles elle va répondre au long de la conférence .
La première question posée : la personne se demande pourquoi il est nécessaire de parfois hausser le ton (sous entendu que ça marche, que l'enfant écoute) alors que l'on souhaitait rester calme.
Parfois on n'arrive pas à rester calme , on répète et on répète et on répète encore la chose à l'enfant, peut-être faut-il tout simplement changer le mode opératoire. Notre perte de patience s'explique: devant un enfant qui fait une chose que nous n'approuvons pas, ceci nous cause du stress, il y a un bug dans la relation, l'éducation que l'on a reçue entre en scène, nous conditionne. Si enfant quand on pleurait et que l'adulte qui s'occupait de nous, nous a écouté, on aura appris à gérer donc réguler l'amygdale (zone préfrontale à l'amygdale), et l'apaisement aura déclenché l'ocytocine. En tant qu'adulte quand nous accompagnons ainsi nos enfants nous les aidons à réguler leur émotion. Si enfant on nous a transmis ceci, on arrivera à rester calme devant nos enfants et réguler. Il y a 3 réactions possibles de l'enfant : attaque, fuite et figement. Par exemple, un enfant mis en isolement ne s'est en réalité pas calmé, il n'a pas appris à réguler son stress, pas eu de connexion entre zone préfrontale et amygdale. Quand on est dans la violence éducative nous avons en fait peu de récepteurs d'ocytocine, ce sont nos automatismes .
La deuxième question porte sur comment concilier les obligations de fin de journée (repas, douche…) sans rapport de force ?
L'erreur dans un premier temps est de croire que nous avons des obligations, on se met la pression. Le bain, le repas devraient être des plaisirs. En en faisant des obligations, des contraintes, on se crée du stress en famille. Comme l'heure du coucher: culturellement en France l'heure de coucher est autour de 20h, on ne prend pas en compte l'âge de l'enfant ni le rythme biologique de celui-ci - car tous n'ont pas les mêmes besoins, tout comme nous adultes. Nous avons besoin d'avoir notre libre arbitre, s'il est bloqué, le stress se déclenche. Il est important de faire une période de bon temps avec ses enfants avant de penser aux obligations.
Troisième question "Face à une crise, que faire ?"
Isabelle précise qu'elle ne donne pas de conseil, car si on le suit cela ne nous aide pas car on n'aura pas choisi nous-même, elle propose donc des options. Une crise est une réaction face au stress, il faut donc calmer l'enfant. Il y a plusieurs manières d'y parvenir :
- Prendre l'enfant dans ses bras, ressentir ce qu'il ressent, faire preuve d'empathie, se mettre à sa hauteur. L'enfant se débat au début (réaction au stress : attaque ou fuite).
- Quand la crise est déjà bien amorcée, prendre dans les bras peut ne pas suffire, on peut sauter, danser à côté de l'enfant en crise.
- Certains enfants sont auditifs, donc ne rien dire est mieux, car chaque son peut re-déclencher la crise même en parlant doucement car le cerveau est saturé (souvent le cas pour les enfants d'aujourd'hui, trop de stimulation).
- Certains enfants également ne veulent pas voir l'adulte en face de lui donc on se décale, ou bien au contraire ont besoin de le voir.
- D'autres enfants ne veulent pas être touchés.
Il est important également d'anticiper, de repérer ce qui peut déclencher une crise. Quand l'enfant a reçu trop de stimuli il est bon de l'emmener au calme, sans ou avec peu de lumière et dans ces moments-là on arrive à comprendre la crise de l'enfant.
La quatrième question porte sur le fait d'assumer ses choix éducatifs face à un conjoint ou professionnel.
Pour le conjoint on peut le prendre dans ses bras si désaccord (ocytocine). Il ne sert à rien de batailler, il faut regarder les personnes avec compassion, car c'est leur histoire personnelle qui parle, on fait souvent face à une dissonance cognitive, on s'enferme. Il ne faut pas juger mais regarder l'enfant à l'intérieur de la personne, sa propre histoire éducative.
Isabelle fait un retour sur les pleurs de bébé qui sont souvent un facteur de dispute entre parents, de divergence. Elle nous parle de la recherche de Priscilla Dunston (voir article sur le sujet), connaître ce langage permet de savoir quoi faire avec bébé et donc plus de disputes.
La cinquième question : Comment faire quand une opposition perdure?
Il faut savoir dans un premier temps qu'en dessous de 7 ans l'enfant ne peut pas se calmer seul, il se fige, on peut croire qu'il s'est calmé mais non. On peut choisir de se calmer tous ensemble, l'adulte doit aussi moins parler, l'enfant a du mal à comprendre quand l'adulte parle beaucoup.
La sixième question : Quand un enfant a subi des VEO, comment faire pour y remédier?
Dans un premier temps demander pardon à l'enfant, dire que l'on regrette ce qu'on a fait. Lui demander s'il a eu peur, s'il s'est senti moins aimé. On utilise le « on ». On peut demander à l'enfant de faire un signe quand nous, adulte, nous commençons à lui faire peur .
La septième question : Comment faire comprendre avec bienveillance un cadre à respecter en collectivité?
L'erreur est de penser en « il faut » et « on doit ». Le cerveau se termine à 25 ans. Quand on met un cadre, l'enfant en sort, on ne doit pas poser mais fournir un cadre : avec procédure. L'enfant aime les procédures. Les interdits et les limites ne sont pas supportés mais l'enfant aime contribuer sans obligation. On peut remplacer « Range ta chambre » par « Et si on rangeait ? »
Isabelle conclut sur la figure d'attachement, sur le fait que l'enfant tape, se décharge sur sa figure d'attachement, il a du stress, face au stress il décharge, attaque.
Ce fut une belle conférence, on en ressort boosté, convaincu de nos choix pour le meilleur.
Une réaction à Grenoble – Retour sur la conférence d’Isabelle Filliozat