Ce soir j'ai dépassé les bornes, je t'ai hurlé dessus pour une cuillère jetée et t'ai sortie de table sans te laisser finir ton repas ni réparer ton geste. Je n'ai pas su comprendre le besoin maladroitement exprimé derrière ton geste de colère. J'ai juste vu une petite cuillère volée et tout ce que ma tête à penser c'est : "mais comment il se permet de faire ça?" et ma réflexion n'est pas allée plus loin. Je suis restée prostré dans ma colère, moi qui t'apprends pourtant à exprimer la tienne et t'ai couché sans lire l'histoire du soir. Je t'ai juste ordonné de te mettre au lit et puis j'ai terminé de coucher ton frère. Lui tenant la main comme d'habitude pour qu'il trouve son sommeil pendant que je me rongeais les ongles de l'autre pour trouver pourquoi j'ai pété les plombs ainsi.
Je me suis ensuite glissée sous ta couette trop petite pour moi, avec ton doudou à l'odeur bien particulière tout près de mon nez. Et je t'ai serré dans mes bras avec toute la culpabilité qui me rongeait. J'avais laissé le portable au pied du lit pour éclairer nos visages et que tu lises bien tous mes regrets dans mes yeux fatigués. Je t'ai demandé pardon, je t'ai expliqué que je n'avais pas su maîtriser ma colère et qu'elle était partie d'un coup, que je n'aurais pas dû te parler ainsi et encore moins te coucher sans histoire. Je t'ai regardé bien dans les yeux en te caressant les cheveux et j'ai vu que tu écoutais tout cela avec beaucoup de compréhension. Tu as enlevé ta sucette et tu m'as dit : "mais tu sais moi aussi des fois je n'arrive pas à maîtriser mes grosses colères, ça arrive maman. La prochaine fois tu iras boire un verre d'eau ou respirer doucement."
Tu as 4 ans et tu as déjà tout compris, tu as 4 ans et tu pardonnes sans garder de rancune. J'ai 30 ans et je ne maîtrise pas toutes mes colères, je ne comprends pas toujours d'où elles viennent et pourquoi elles partent d'un coup et font tant de dégâts. Tu es l'enfant et je suis l'adulte, mais tu m'apprends tellement que des fois je me demande si tu n'as pas plus de sagesse que moi. Je suis humaine et maman, je sais que les débordements ça arrive mais à chaque fois pourtant je m'en veux énormément.
J'ai terminé mes excuses par de doux baisers tellement plus doux que les mots que je t'ai criés une demi-heure avant. J'ai revu tes yeux rieurs tels que j'aime les regarder pas comme une demi-heure avant où je pouvais y lire la peur et l'incompréhension. J'ai quitté ton petit lit et avant de refermer la porte le coeur toujours aussi lourd, trois petits mots d'enfants ont volé jusqu'à mes oreilles de maman et ont allégé ma peine : "Je t'aime maman"...